Derrière ma personnalité d’apparence sensible et bienveillante se cache un caractère bien trempé que seules celles et ceux qui creusent en profondeur ou me font un quelconque affront peuvent découvrir. Alors quoi de mieux pour lancer cette rubrique vin et musique qu’un morceau qui correspond parfaitement à cette double facette ? Rendez-vous dans les années 1960 à la poursuite d’un titre entre tendresse et révolte.
Un hymne aux nuances de l’âme
Mais d’abord partons à la rencontre de Marie Laforêt, artiste insoumise qui a marqué la scène musicale française par son éclectisme. J’ai toujours été ébahie par sa capacité à naviguer entre les genres. Parfois pop, parfois variété, une touche de folk ou encore un esprit définitivement rock. Sa voix envoûtante interprète à merveille des textes purs mêlant poésie et introspection, avec juste ce qu’il faut de rébellion. On est touchés, on danse, on chante en chœur et, surtout, on s’identifie.
Et avec mon prénom et mon tempérament, logique que je me retrouve instantanément dans le morceau Marie Douceur Marie Colère. Une chanson, aux paroles signées de la poétesse Françoise Mallet-Joris, qui dévoile avec énergie la pluralité de cette femme délicate et déterminée. Une ode aux sentiments contradictoires, à la lutte interne que nous vivons toutes face aux diktats de la société. Car entre l’image que l’on renvoie, ou que les autres aiment imaginer de nous, et ce que nous sommes réellement, il peut y avoir un véritable gouffre.
Pour porter ce discours profond, un riff de guitare qui ne vous sera sans doute pas étranger, celui de Paint It Black des Rolling Stones. Ce classique du rock sombre et hypnotique est un support magnifique pour la voix cristalline de Marie Laforêt. Son rythme langoureux amplifie le contraste entre douceur et colère, symbolisant cette dualité de manière évidente. Afin de savourer ce titre iconique comme il se doit, je vous conseille de pousser les meubles et de monter le son de l’enceinte au max. Et côté vin, qu’est-ce qu’on sert ?
Sans soufre et sans concession
Une cuvée du Domaine Ancienne Cure, qui est aussi un souvenir percutant ramené d’une balade œnophile dans le bergeracois. Cette propriété familiale propose des quilles bio et authentiques, façonnées grâce à un savoir-faire transmis de génération en génération. À l’instar de nombreux autres amoureux de la vigne, ils ont délaissé les pratiques conventionnelles responsables de l’appauvrissement des sols pour revenir aux fondamentaux. Ici, on est guidés par le respect de la terre et l’expression du terroir.
Dans les faits, il se passe quoi exactement ? On travaille le sol pour favoriser un meilleur enracinement, on sélectionne avec soin les cépages pour qu’ils conviennent à leur environnement et on joue sur un élevage au service de la concentration. Cette quête de l’équilibre parfait entre puissance et fruité les conduit généralement à sortir des flacons fragiles et complexes.
La preuve avec ce Ça Sulfit ! qui porte haut les couleurs de Pécharmant, une appellation encore trop méconnue malgré la qualité de ses vins. Grande amatrice de jeux de mots et de régions viticoles confidentielles, je ne pouvais que me prendre d’affection pour ce vin qui fait écho à l’insurrection grondant dans le morceau de Laforêt. Au programme, un assemblage de Cabernet Franc, Cabernet Sauvignon et Merlot qui sent bon le Sud-Ouest, et aucun soufre ajouté. Et à la dégustation ? Une robe à la teinte rubis, un nez plein de fraîcheur qui évoque les fruits et les épices, le cumin et le cassis en tête. Laissez-le respirer un peu et il dégage des notes de cacao, avec même une pointe de mentholé. Quelques gorgées et cette palette aromatique se manifeste à nouveau, ainsi que cette superbe fraîcheur. L’attaque est nette, les tanins bien présents et fondus. C’est rond, fruité, accessible…et joliment anticonformiste.